La démission par abandon de poste

La démission par abandon de poste

 La loi n°2022-1598 du 21 décembre 2022 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi est venue créer une présomption de démission en cas d’abandon de poste du salarié.

Cette nouvelle présomption prévue à l’article L 1237-1 du Code du travail repose essentiellement sur le constat suivant :

  • 70% des licenciements pour faute grave ou lourde dans le secteur privé étaient motivés par un abandon de poste (Étude DARES de février 2023).

Dans un tel cas de figure, le licenciement permettait alors au salarié de s’inscrire au Pôle emploi et de bénéficier des indemnités de retour à l’emploi (ARE). Il était donc fréquent que les salariés désireux de voir rompre leur contrat de travail et n’ayant pas d’autres alternatives abandonnent leur poste de travail, afin de se voir licencier.

Cette loi revient ainsi sur la définition même de la démission qui se définissait jusqu’à alors comme « l’acte juridique unilatéral par lequel le salarié manifeste sa volonté claire non équivoque de mettre fin au contrat de travail ». Avec cette réforme, la démission n’est plus claire et non équivoque mais présumée.

Le contexte désormais rappelé, il convient de mettre en avant les grandes lignes de cette réforme.

Quelle est la procédure à mettre en oeuvre pour l'employeur ?

  • L’employeur doit mettre en demeure le salarié de reprendre son poste par LAR ou courrier remis en main propre.Lorsque l’employeur constate que le salarié a abandonné volontairement son poste, il peut, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, mettre en demeure le salarié de justifier son absence et de reprendre son poste dans un délai donné. La lettre recommandée avec accusé de réception s’imposera nécessairement du fait de l’absence du salarié à son poste de travail. La remise en main propre s’avère, en pratique, peu probable;
  • Dans le courrier de  mise en demeure, l’employeur doit demander la raison de l’absence du salarié afin d’en recueillir la justification, et lui rappeler au salarié que passé le délai accordé, faute d’avoir repris son poste il sera présumé démissionnaire;
  • L’employeur doit laisser au salarié un délai de 15 jours à respecter pour pouvoir considérer le salarié comme démissionnaire; Le délai mentionné au premier alinéa de l’article L 1237-1-1 ne peut pas être inférieur à quinze jours calendaires. Ce délai commence à courir à compter de la première présentation de la mise en demeure adressée par lettre recommandée ou lettre remise en main propre contre décharge (art. R 1237-13 du code du travail).

 

A partir de quand cette nouvelle procédure est-elle applicable?

Les dispositions afférentes à l’abandon de poste et notamment à l’article L 1237-1-1 du Code du travail sont entrées en vigueur à compter du 19 avril 2023 à la suite de la publication du décret n°2023-275 du 17 avril 2023. C’est donc à compter de cette date que cette nouvelle procédure d’abandon de poste est devenue applicable.

 

Quel est le recours du salarié? Le motif légitime

Le salarié a la possibilité de répondre à la mise en demeure adressée par l’employeur pour faire  valoir un motif légitime « justifiant » son abandon de poste. S’il existe un “motif légitime”, celui-ci fait obstacle à l’application de la présomption de démission.

Sont considérés notamment comme légitimes : les raisons médicales, l’exercice du droit de retrait ou du droit de grève, le refus du salarié d’exécuter une instruction contraire à une réglementation ou encore le refus par le salarié d’une modification de son contrat de travail à l’initiative de l’employeur. Il est précisé que cette liste de motifs légitimes prévue par le décret est une liste non exhaustive.

 

Le licenciement pour faute reste-t-il possible en cas d'abandon de poste?

Il s’agit d’une question qui fait débat, dans la mesure où si le décret ne pose aucune interdiction ou impossibilité pour l’employeur de procéder, s’il le souhaite, à un licenciement disciplinaire, le ministère du travail dans sa foire aux questions est venu préciser que : « si l’employeur désire mettre fin à la relation de travail avec le salarié qui a abandonné son poste, il doit mettre en œuvre la présomption de démission. Il n’a plus vocation à engager une procédure de licenciement pour faute ».

Cette précision apportée par le Ministère du travail est néanmoins à manier avec prudence dans la mesure où cette foire aux questions n’a aucune valeur normative et que le Ministère lui-même est venue préciser qu’il « ne faut pas surinterpréter la formulation du questions/réponses qui n’exclue pas l’application d’un licenciement pour faute ».

Dès lors et à notre sens, le licenciement disciplinaire reste juridiquement possible en l’état des textes.

 

Le salarié peut-il contester judiciairement la qualification de démission présumée?

Le nouvel article L 1237-1-1 du Code du travail prévoit que le salarié peut saisir le conseil de prud’hommes pour faire juger que la « démission présumée » s’analyse en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il devra alors saisir le Conseil des prud’hommes directement en bureau de jugement. Le Conseil des prud’hommes devra ainsi fixer une audience de bureau de jugement pour entendre l’affaire sous 1 mois.